Entre deux livraisons, Moncef Saïdani s’arrête pour nous accorder un bref entretien de quinze minutes. Pas le temps donc de s’étaler ou de s’exalter de l’élan effréné des vagues par lesquels on se laisse transporter ou du décor truculent des quais sur lesquels on aime flâner. Pour ce jeune entrepreneur de 42 ans, la distraction n’est plus de mise. Le moindre flottement serait fatal à son entreprise. Moncef Saïdani possède un camion frigorifique et sillonne les quatre coins de la Tunisie, de Bizerte à Jendouba, pour livrer du poisson. Il y a à peine un an, il s’imaginait mal se projeter au-delà des huit ou dix heures de travail qu’il devait abattre pour gagner son pain. Il trime un peu moins aujourd’hui et emploie deux personnes. Le 1er août 2016, Moncef Saïdani intègre le programme Thniti by CONECT & QFFavec la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie, en s’inscrivant en ligne sur la plate-forme destinée à l’encouragement de l’initiative privée et de l’esprit d’innovation (www.thniti.org). Initié en 2014 avec l’appui du Fonds d’amitié Qatari (QFF), le programme «Thniti by CONECT & QFF » se propose d’accompagner les jeunes entrepreneurs dans la phase de création de leurs projets. Il évalue, d’abord la force d’appoint, d’innovation et la capacité d’employabilité de chaque projet, dispense des formations et des ateliers d’idéation aux principaux acteurs et donne un coup d’accélérateur au processus de création. Afin de contribuer à réduire le poids de la fracture sociale, le programme a adopté une charte pour un accès équitable aux services d’accompagnement et l’accès aux financements et cible, prioritairement, les régions les moins dotées dans une optique de participation au développement régional.
Moncef Saïdani a obtenu un prêt d’une valeur de 46.000 dinars pour un projet qui en valait autant : « Pour le volet financier qui est primordial, j’ai pu compter sur le soutien de la CONECT », affirme-t-il. 36.000 dinars lui ont été octroyés par la Banque Tunisienne de Solidarité « BTS » et 10.000 par le réseau Entreprendre. « Ces fonds m’ont permis d’acquérir mon camion et le matériel nécessaire à mon activité. » Moncef Saïdani dessert, principalement, la ville de Bizerte. L’activité maritime y tient une part importante. Et pour Moncef, qui a reçu la pêche en héritage, Thniti by CONECT & QFF représentait une aubaine. La CONECT et tous ses partenaires travaillent de concert dans 17 régions cibles. La priorité y est donnée aux jeunes. Cette frange de la population souffre de chômage endémique et subit de plein fouet l’évolution exponentielle du marché. Paradoxalement, elle recèle de nombreux atouts. Une fibre entrepreneuriale exceptionnelle, de grandes capacités de création et d’innovation auxquelles il est préférable d’additionner un travail d’encadrement et d’accompagnement pour rentabiliser les projets.
Moncef Saïdani aimerait acquérir un deuxième camion et distribuer plus de richesses. Comme pour exorciser les blocages qu’il a rencontrés auparavant. « Ma première demande a été rejetée faute d’avoir présenté un dossier complet », se souvient Moncef, qui exerçait également comme chauffeur de louage. Les difficultés d’accès au financement pour les jeunes entrepreneurs émanent en partie de leur embarras à présenter des études de projets viables, le fameux business plan. « Notre secteur se désorganise, il y a des problèmes d’infrastructure, de stratégie, de prix et de cahiers de charge », énumère Moncef. « Comment nous demander ainsi de présenter des business plan durables », renchérit-il. Sans se substituer aux entrepreneurs, la CONECT concourt de par ses programmes de formation spécifiques à pallier ces lacunes. « Le défi auquel je suis confronté en tant que jeune entrepreneur est l’impératif d’ancrage, de pérennisation. Le marché est volatil, la concurrence est rude. » A cette fin, Moncef devra déployer tous ses efforts.